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glace et à suivre des yeux le portier de l’Ambassadeur’s Palace, qui m’avait transmis votre message. Or, à cette minute même, ledit portier se frottait les mains d’un air tellement satisfait que, sans autre motif, subitement, je compris tout : j’étais roulé, j’étais roulé par Daubrecq, comme vous l’étiez vous-même. Des tas de petits faits me vinrent à l’esprit. Le plan de l’adversaire m’apparut tout entier. Une minute de plus et le désastre était irrémédiable. J’eus, je l’avoue, quelques instants de véritable désespoir, à l’idée que je n’allais pas pouvoir réparer toutes les erreurs commises. Cela dépendait simplement de l’horaire des trains, qui me permettrait, ou ne me permettrait pas, de retrouver en gare de San-Remo l’émissaire de Daubrecq. Cette fois, enfin, le hasard nous fut favorable. Nous n’étions pas descendus à la première station qu’un train passa pour la France. Quand nous arrivâmes à San-Remo l’homme était là. J’avais bien deviné. Il n’avait plus sa casquette ni sa redingote de portier, mais un chapeau et un veston. Il monta dans un compartiment de seconde classe. Désormais la victoire ne faisait plus de doute.

— Mais… comment ?… dit Clarisse, qui, malgré les pensées qui l’obsédaient, s’intéressait au récit de Lupin.

— Comment je suis revenu jusqu’à vous ? Mon Dieu, en ne lâchant plus le sieur Jacob, tout en le laissant libre de ses actions, certain que j’étais qu’il rendrait compte de sa mission à Daubrecq. De fait, ce matin, après une nuit passée dans un petit hôtel de Nice, il rencontra Daubrecq sur la promenade des Anglais. Ils causèrent assez longtemps. Je les suis. Daubrecq regagne son hôtel, installe Jacob dans un des couloirs du rez-de-chaussée, en face du bureau téléphonique, et prend l’ascen-