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— Sauve ton fils… pense au dernier matin, à la toilette funèbre, à la chemise qu’on échancre, aux cheveux que l’on coupe… Clarisse, Clarisse, je le sauverai… Sois-en sûre… toute ma vie t’appartiendra… Clarisse.

Elle ne résistait plus. C’était fini. Les lèvres de l’homme immonde allaient toucher les siennes, et il fallait qu’il en fût ainsi, et rien ne pouvait faire que cela ne fût pas. C’était son devoir d’obéir aux ordres du destin. Elle le savait depuis longtemps. Elle comprit, et, en elle-même, les yeux fermés pour ne pas voir l’ignoble face qui se haussait vers la sienne, elle répétait : « Mon fils… mon pauvre fils… »

Quelques secondes s’écoulèrent, dix, vingt peut-être. Daubrecq ne bougeait plus. Daubrecq ne parlait plus. Et elle s’étonna de ce grand silence et de cet apaisement subit. Au dernier instant, le monstre avait-il quelque remords ?

Elle leva les paupières.

Le spectacle qui s’offrit à elle la frappa de stupeur. Au lieu de la face grimaçante qu’elle s’attendait à voir, elle aperçut un visage immobile, méconnaissable, tordu par une expression d’épouvante extrême, et dont les yeux, invisibles sous le double obstacle des lunettes, semblaient regarder plus haut qu’elle, plus haut que le fauteuil où elle était prostrée.

Clarisse se détourna. Deux canons de revolver, braqués sur Daubrecq, émergeaient à droite un peu au-dessus du fauteuil. Elle ne vit que cela, ces deux revolvers énormes et redoutables, que serraient deux poings crispés. Elle ne vit que cela, et aussi la figure de Daubrecq que la peur décolorait peu à peu, jusqu’à la rendre livide.