écœuré, et qui comprenait que jamais il n’aurait pu accomplir lui-même cette abominable chose, Lupin épiait les paroles inévitables. Il allait savoir. Le secret de Daubrecq allait s’exprimer en syllabes, en mots arrachés par la douleur. Et Lupin pensait déjà à la retraite, à l’automobile qui l’attendait, à la course éperdue vers Paris, à la victoire si proche !…
— Parle… murmurait d’Albufex… parle, et ce sera fini.
— Oui… oui… balbutia Daubrecq.
— Eh bien…
— Plus tard… demain…
— Ah ! ça, tu es fou ! Demain ! Qu’est-ce que tu chantes ? Sébastiani, encore un tour.
— Non, non, hurla Daubrecq, non, arrête.
— Parle !
— Eh bien, voilà… J’ai caché le papier…
Mais la souffrance était trop grande. Daubrecq releva sa tête dans un effort suprême, émit des sons incohérents, réussit deux fois à prononcer : « Marie… Marie… » et se renversa, épuisé, inerte.
— Lâche donc, ordonna d’Albufex à Sébastiani. Sacrebleu ! est-ce que nous aurions forcé la dose ?
Mais un examen rapide lui prouva que Daubrecq était simplement évanoui. Alors lui-même, exténué, il s’écroula sur le pied du lit en essuyant les gouttes de sueur qui mouillaient son front, et il bredouilla :
— Ah ! la sale besogne…
— C’est peut-être assez pour aujourd’hui, dit le garde, dont la rude figure trahissait l’émotion… On pourrait recommencer demain… après-demain.
Le marquis se taisait. Un des fils lui tendit une gourde de cognac. Il en remplit la moitié d’un verre et but d’un trait.
— Demain ? dit-il ; non, tout de suite.