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Mais, n’est-ce pas, il y a cinquante mètres de hauteur, à pic… et même, la roche surplombe au-dessus de l’eau. Donc, impossible également.

Il parcourait certains passages du livre. Un chapitre le frappa, intitulé : « La Tour des Deux-Amants ». Il en lut les premières lignes.

« Jadis, le donjon était appelé par les gens du pays la Tour des Deux-Amants, en souvenir d’un drame qui l’ensanglanta au moyen âge. Le comte de Mortepierre, ayant eu la preuve de l’infidélité de sa femme, l’avait enfermée dans la chambre des tortures. Elle y passa vingt ans, paraît-il. Une nuit, son amant, le sire de Tancarville, eut l’audace folle de dresser une échelle dans la rivière et de grimper ensuite le long de la falaise, jusqu’à l’ouverture de sa chambre. Ayant scié les barreaux, il réussit à délivrer celle qu’il aimait, et il redescendit avec elle, à l’aide d’une corde. Ils parvinrent tous deux au sommet de l’échelle que des amis surveillaient, lorsqu’un coup de feu partit du chemin de ronde et atteignit l’homme à l’épaule. Les deux amants furent lancés dans le vide… »

Il y eut un silence après cette lecture, un long silence où chacun reconstituait la tragique évasion. Ainsi donc, trois ou quatre siècles auparavant, un homme, risquant sa vie pour sauver une femme, avait tenté ce tour de force inconcevable, et il serait parvenu à le réaliser sans la vigilance de quelque sentinelle attirée par le bruit. Un homme avait osé cela ! Un homme avait fait cela !

Lupin leva les yeux sur Clarisse. Elle le regardait, mais de quel regard éperdu et suppliant ! Regard de mère, qui exigeait l’impossible, et qui eût tout sacrifié pour le salut de son fils.

— Le Ballu, dit-il, cherche une corde so-