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— N’est-ce pas, tout est pour le mieux de la sorte ? Un terrain déblayé, une situation nette… Au moins, l’on y voit clair. Lupin contre Daubrecq, un point c’est tout. Et puis, que de temps gagné ! Le docteur Vernes, médecin légiste, en aurait eu pour deux heures à dévider son écheveau ! Tandis que, comme ça, le sieur Lupin est obligé de dégoiser sa petite affaire en trente minutes… sous peine d’être saisi au collet et de laisser prendre ses complices… Quel coup de caillou dans la mare aux grenouilles ! Trente minutes, pas une de plus. D’ici trente minutes, il faudra vider les lieux, se sauver comme un lièvre, et ficher le camp à la débandade. Ah ! ah ! ce que c’est rigolo… Dis donc, Polonius, vrai, tu n’as pas de chance avec Bibi Daubrecq ! Car c’était bien toi qui te cachais derrière ce rideau, infortuné Polonius ?

Lupin ne bronchait pas. L’unique solution qui l’eût apaisé, c’est-à-dire l’étranglement de l’adversaire, était trop absurde pour qu’il ne préférât point subir sans riposter des sarcasmes qui, pourtant, le cinglaient comme des coups de cravache. C’était la seconde fois, dans la même pièce et dans des circonstances analogues, qu’il devait courber la tête devant ce Daubrecq de malheur et garder en silence la plus ridicule des postures… Aussi avait-il la conviction profonde que, s’il ouvrait la bouche, ce serait pour cracher au visage de son vainqueur des paroles de colère et des invectives. À quoi bon ? L’essentiel n’était-il pas d’agir de sang-froid et de faire les choses que commandait une situation nouvelle ?

— Eh bien ! eh bien ! monsieur Lupin ?… reprenait le député, vous avez l’air tout déconfit. Voyons, il faut se faire une raison et admettre qu’on peut rencontrer sur son chemin un bonhomme un peu moins andouille que ses contemporains… Alors vous vous imaginiez que, parce que je porte binocle et bésicles, j’étais aveugle ?