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— Oui, c’est vrai, fit Suzanne, mais il n’était que dix heures quand nous sommes partis de Saint-Élophe, et les coups de feu que vous avez entendus ont été tirés vers une heure ou deux heures du matin… Vous l’avez dit vous-même.

— Est-ce que je sais ? s’écria la vieille dame, qui décidément perdait la tête… Il était peut-être beaucoup plus tôt.

— Mais ton père, lui, doit le savoir, dit Marthe à Suzanne. Il ne t’a rien raconté ?

— Je n’ai pas vu mon père ce matin, répliqua Suzanne… Il dormait…

Elle n’avait pas achevé sa phrase qu’une idée la heurta, une idée si naturelle que les deux autres femmes en furent également frappées, et que personne ne la formula.

Suzanne se précipita vers la porte, mais Marthe la retint. Ne pouvait-on communiquer par téléphone avec Saint-Élophe et avec la maison du commissaire spécial ?

Au bout d’une minute, la bonne de M. Jorancé répondait qu’elle venait de constater l’absence de son maître. Le lit, non plus, n’avait pas été défait.

— Oh ! dit Suzanne toute frissonnante, mon pauvre père… Pourvu qu’il ne lui soit pas arrivé de mal !… Mon pauvre père ! J’aurais dû…

Un instant, elles demeurèrent toutes les trois comme paralysées, incapables d’une