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agilité surprenante, franchit un couloir, et pénétra dans la chambre de son mari.

Elle poussa un cri et appela :

— Marthe !… Marthe !…

Mais la jeune femme, qui l’avait suivie, montait déjà, ainsi que Suzanne, l’escalier du second étage. La chambre de Philippe se trouvait au fond.

Elle ouvrit vivement, et resta sur le seuil, interdite.

Philippe n’était pas là, et le lit n’avait même pas été défait.


II

Les trois femmes se rejoignirent dans le salon. Mme Morestal allait et venait avec effarement, ne sachant trop ce qu’elle disait :

— Pas rentré !… Philippe non plus !… Victor, il faut courir… Mais où courir ?… Où chercher ? Ah ! c’est vraiment terrible…

Soudain, elle s’arrêta devant Marthe et bégaya :

— Les coups de feu, hier soir…

Pâle d’anxiété, Marthe ne répondit pas. Dès le premier instant, elle avait eu la même pensée atroce.

Mais Suzanne s’exclama :

— En tout cas, Marthe, tu ne dois pas t’inquiéter. Philippe n’a pas pris la route de la frontière.

— Tu es sûre ?

— On s’est séparé au carrefour du Grand-Chêne. M. Morestal et papa ont continué seuls. Philippe est revenu directement.

— Directement ? Non, puisqu’il n’est pas ici, objecta Marthe. Qu’est-ce qu’il aurait fait de toute la nuit ? Il n’est même pas rentré dans sa chambre !

Mais l’affirmation de Suzanne avait épouvanté Mme Morestal. Elle ne pouvait plus douter maintenant que son mari n’eût suivi la route de la frontière, et les coups de feu venaient précisément de la frontière !