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des heures mauvaises, comme disait Marthe, lorsque Mme Morestal la rappela.

— Tu oublies ton bâton, petite.

La vieille dame avait saisi le long bâton ferré et le retirait du porte-parapluies. Mais, tout à coup, elle se mit à bouleverser les cannes et les ombrelles en marmottant :

— Tiens, c’est assez drôle…

— Qu’y a-t-il, demanda Marthe ?

— La canne de Morestal que je ne retrouve pas. Elle est toujours ici cependant.

— Il l’aura peut-être posée ailleurs.

— Impossible ! Ce serait la première fois. Et je le connais Comment se fait-il ?… Victor !

Le domestique accourut.

— Madame ?

— Victor, comment se fait-il que la canne de monsieur ne soit pas là ?

— Pour moi, madame, j’ai idée que monsieur est déjà sorti.

— Sorti ! Mais il fallait me le dire… je commençais à m’inquiéter.

— Je viens de le dire à Catherine.

— Mais pourquoi supposez-vous ?…

— D’abord, monsieur n’a pas mis ses bottines à la porte comme d’ordinaire… M. Philippe non plus…

— Quoi fit Marthe, M. Philippe serait sorti également ?

— Et de très bonne heure… avant que je ne me lève.

Malgré elle, Suzanne Jorancé protesta :

— Mais non, ce n’est pas admissible…

— Dame, reprit Victor, quand je suis descendu, cette serrure-là n’était pas fermée à clé.

— Et monsieur n’oublie jamais son tour de clé, n’est-ce pas ?

— Jamais. Si la serrure n’était pas fermée, c’est que monsieur est déjà dehors… ou bien…

— Ou bien ?

— Ou bien qu’il n’est pas rentré… Seulement, je dis ça comme je dirais…

— Pas rentré ! s’exclama Mme Morestal.

Elle réfléchit une seconde, puis tourna sur elle-même, gravit l’escalier avec une