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tant qu’ils avaient bifurqué vers la droite.

Ils rentrèrent sur le territoire français, mais les agents qui poursuivaient le déserteur, ayant perdu sa trace, se rabattaient de leur côté.

Alors ils firent un crochet à droite, hésitèrent un moment, attentifs à ne pas traverser la route, puis repartirent et, toujours traqués par les hommes, qu’ils sentaient sur leurs talons, ils gagnèrent la montée de la Butte-aux-Loups. À ce moment, cernés de toutes parts, essoufflés, ils durent reprendre haleine.

— Arrêtez-les ! dit le chef, en qui ils avaient reconnu le commissaire Weisslicht, arrêtez-les ! nous sommes en Allemagne.

— Vous mentez, hurla Morestal, qui se débattait avec une énergie sauvage… Vous n’avez pas le droit… C’est un piège abominable !

La lutte fut violente, mais ne dura pas. Il reçut un coup de crosse au menton, vacilla, se défendit encore, frappant et mordant ses adversaires. À la fin, on réussit à le terrasser et, pour étouffer ses clameurs, on le bâillonna.

Jorancé, qui avait fait un bon en arrière, et s’adossait à un arbre, résistait tout en protestant :

— Je suis M. Jorancé, commissaire spécial à Saint-Élophe. Je suis ici chez moi. Nous sommes en France. Voilà la frontière.

On se jeta sur lui et on l’entraîna, tandis qu’il proférait de toutes ses forces :

— Au secours ! On arrête le commissaire français sur le territoire français.

Une détonation retentit, puis une autre. D’un effort surhumain, Morestal avait renversé les agents qui le tenaient et, de nouveau, il prenait la fuite, un de ses poignets entravé par une corde, le bâillon à la bouche.

Mais, deux cents mètres plus loin, comme il retournait vers le col du Diable, son pied heurta une racine et il tomba.

Aussitôt il fut assailli et lié solidement.

Quelques instants après, les deux prisonniers, portés par les agents jusqu’au chemin des bois d’Albern, étaient hissés sur