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L’épreuve était horrible pour elle, après l’espérance qui l’avait exaltée, et c’étaient de vraies larmes douloureuses, cette fois, qui coulaient de ses joues. Le bruit des pleurs éveilla Philippe de sa rêverie. Il l’écouta tristement, puis se mit à marcher à travers la pièce. Si attendri qu’il fût, ce qui se passait en lui le troublait davantage. Il aimait Suzanne !

Il n’eut pas une seconde la pensée de se soustraire à la vérité. Dès les premières phrases de Suzanne et sans qu’il lui fût nécessaire de chercher d’autres preuves, il avait admis cet amour comme on admet la présence d’une chose que l’on voit et que l’on touche. Et c’est pourquoi Suzanne, à la seule attitude de Philippe, avait eu la révélation brusque de l’imprudence qu’elle commettait en parlant : averti, Philippe lui échappait. Il était de ceux qui prennent conscience de leur devoir à la minute même où ils discernent leur faute.

— Philippe, dit-elle encore, Philippe !

Comme il ne répondait pas, elle reprit sa main et chuchota :

— Vous m’aimez cependant… vous m’aimez… Alors, si vous m’aimez…

Les pleurs n’abîmaient pas son adorable figure. Le chagrin, au contraire, la paraît d’une beauté nouvelle, plus grave et plus émouvante. Elle acheva ingénument :

— Alors, si vous m’aimez, pourquoi me