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Souvent, Suzanne venait seule et accompagnait le vieillard dans sa promenade quotidienne. Il se prit d’affection pour elle. Et c’est ainsi que, conseillé par lui et sollicité par Philippe et Marthe Morestal, Jorancé avait conduit Suzanne à Paris, l’hiver précédent.

Tout de suite en entrant, il remercia Philippe :

— Tu ne saurais croire, mon bon Philippe, combien cela m’a fait plaisir. Suzanne est jeune. Un peu de distraction n’est pas pour me déplaire.

Il regardait Suzanne avec cette passion des pères qui ont élevé leur fille eux-mêmes et dont l’amour se mêle d’une tendresse un peu féminine.

Et il dit à Philippe :

— Tu sais la nouvelle ? Je la marie.

— Ah ! prononça Philippe.

— Oui, un de mes cousins de Nancy, un homme un peu mûr peut-être, mais sérieux, actif, intelligent. Il plaît beaucoup à Suzanne. N’est-ce pas, Suzanne, il te plaît beaucoup ?

La jeune fille ne sembla pas entendre la question et demanda :

— Marthe est dans sa chambre, Philippe ?

— Oui, au second étage.

— La chambre bleue, je sais. Je suis venue hier pour aider Mme Morestal. Je monte vite l’embrasser.

Dès qu’elle fut au seuil du salon, elle se retourna et envoya un baiser aux trois hommes, tout en regardant Philippe.

— Ce qu’elle est jolie et gracieuse, ta fille ! dit Morestal à Jorancé.