Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas un geste, pas un tressaillement, et elle ferma la porte sur lui, comme s’il n’avait pas été là.

— Elle non plus, songea Philippe, elle ne me pardonnera jamais, pas plus que mon père et que Marthe.

Et il résolut de s’en aller aussitôt, puisque la tendresse de sa mère lui avait donné un peu de réconfort.

Devant le perron du jardin, il retrouva Victor qui se lamentait au milieu des autres domestiques et préconisait la fuite immédiate.

— En une heure, nous entassons l’argenterie, les pendules, les objets les plus précieux, et nous filons… Quand l’ennemi arrive, plus personne.

Philippe l’appela et lui demanda s’il était possible de trouver une voiture à Saint-Élophe.

— Ah ! monsieur part ? Il a bien raison. Mais tantôt seulement, n’est-ce pas ? avec Mme Philippe ? Je dois conduire Mme Philippe à Saint-Élophe. De là, il y a la diligence qui mène à Noirmont.

— Non, je ne vais pas de ce côté.

— Comment ? mais il n’y a qu’une ligne sur Paris.

— Je ne vais pas à Paris directement. Je dois prendre le train à la gare de Langoux.

— La nouvelle ligne de Suisse ? Mais ça n’en finit pas, monsieur ! On descend jusqu’à Belfort !

— C’est cela, en effet. Quelle distance de Saint-Élophe à Langoux ?

— Cinq kilomètres, pas plus.

— En ce cas, j’irai à pied, conclut Philippe. Merci.

Il avait hâte de quitter le Vieux-Moulin, car il sentait que les événements allaient se précipiter et que, d’une heure à l’autre, il lui serait peut-être interdit de réaliser son projet.