sez-vous donc, à la fin… Philippe, le docteur ?
Philippe reposa l’appareil.
— Le téléphone est occupé militairement, les communications particulières sont interrompues.
— Ah ! fit la vieille dame, mais c’est épouvantable… Que va-t-on devenir ?
Elle ne pensait qu’à Morestal, retenu à la chambre, et aux inconvénients qui résulteraient pour lui de cet état de choses.
On entendit le grelot d’une bicyclette.
— Tenez, s’écria le jardinier en se penchant à la fenêtre du jardin… Voilà mon garçon qui s’amène… La canaille, ce qu’il avance ! Et tu crois, la mère, qu’on le laissera au logis plumer les oies ? Un débrouillard de son espèce !…
Quelques secondes plus tard, le gamin débouchait dans le salon. À bout de souffle, titubant, il s’affaissa contre la table et il bégaya, d’une voix sourde :
— La… la guerre…
Philippe, qui, malgré tout, conservait de l’espoir, se jeta sur lui.
— La guerre ?
— Oui… elle est déclarée…
— Par qui ?
— On ne sait pas…
Et Saboureux, repris de colère, bredouilla :
— Parbleu ! je l’avais bien dit… J’ai vu les uhlans… ils étaient cinq.
Un mouvement se produisit parmi les domestiques. Tous se ruèrent à la rencontre d’un nouvel arrivant, Gridoux, le garde-champêtre, qui galopait sur la terrasse en brandissant une canne. Il les bouscula.
— Fichez-moi la paix !… J’ai une mission ! M. le maire ! Il faut qu’il vienne ! On l’attend !
Il semblait furieux que le maire de Saint-Élophe ne fût pas là, prêt à le suivre.
— Pas si fort, donc, Gridoux, exigea Mme Morestal… vous allez le réveiller.
— Il faut le réveiller. On m’envoie de la mairie… Il faut qu’il vienne tout de suite.