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vres que des mots d’amour, et il ne voulait pas…

Elle eut un sourire. Une larme brilla au bout de ses cils. Elle balbutia :

— Je vous aime… je vous aimerai toujours.

Puis elle détacha sa main.

Marthe, qui était retournée sur ses pas, les vit l’un près de l’autre, immobiles.

En débouchant à l’angle du sentier d’Albern, ils aperçurent un groupe de journalistes et de curieux massés derrière une demi-douzaine de gendarmes. Toute la route était ainsi gardée jusqu’à la montée de Saint-Élophe. Et, à droite, se tenaient de place en place des gendarmes allemands.

Ils arrivèrent à la Butte. C’est un rond-point spacieux, en terrain presque plat, et qu’un cercle de grands arbres séculaires entoure comme la colonnade d’un temple. Le chemin, zone neutre d’une largeur de deux mètres, le traverse par le milieu.

À l’ouest, le poteau français, tout simple, en fonte noire, et portant comme un poteau kilométrique une plaque où des directions sont indiquées.

À l’est, le poteau allemand, en bois peint d’une spirale noire et blanche qui l’enroule, et surmonté de l’écusson : « Deutschland Reich. »

Pour la double enquête, deux tentes militaires avaient été dressées, que séparait un intervalle de quatre-vingts à cent pas. Au-dessus d’elles flottait le drapeau de chaque pays. Près d’elles, deux soldats montaient la garde : un fantassin allemand, casque en tête, la jugulaire au cou, un chasseur alpin, coiffé de son béret, guêtré de ses molletières, — tous deux l’arme au pied.

Non loin d’eux, en deçà et au-delà du rond-point, il y avait deux petits campements établis parmi les arbres — soldats français, soldats allemands. Et les officiers formaient deux groupes.

Entre les branches, on distinguait dans la brume des horizons de France et d’Allemagne.

— Tu vois, Marthe, tu vois, murmura