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Elle reprit :

— Je ne pense pas qu’on t’interroge. Ta déposition a si peu d’importance ! Tu as vu que les journaux en parlent à peine… Sauf cependant en ce qui concerne Dourlowski… Quant à celui-ci, on ne le retrouve toujours pas…

Philippe ne répondait point. Entendait-il seulement ? De sa canne, il décapitait, à gestes brefs, les fleurs qui se penchaient sur la route, fleurs de campanule ou de serpolet, de gentiane ou d’angélique. Marthe se souvint que, ce même acte, il priait ses fils de ne point l’accomplir.

Avant le col, on tourna dans les bois par un étroit sentier qui s’accrochait aux racines des sapins. Ils montaient les uns derrière les autres. Marthe précédait Philippe et Suzanne. Vers le milieu, le chemin eut un coude brusque. Lorsque Marthe eut disparu, Philippe sentit la main de Suzanne qui serrait la sienne et qui le retenait.

Il s’arrêta. Elle se haussa vivement jusqu’à lui.

— Philippe, vous êtes triste… Ce n’est pas à cause de moi ?

— Non, avoua-t-il franchement.

— Je le savais, dit-elle, sans amertume.