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quis de Talençay au fond d’un ravin, où il était tombé, dit-on, par accident. Crime, n’est-ce pas ? Assassinat ?… Et puis la mort affreuse de Jodot et de Guillaume… Et puis tant de morts ! Miss Bakefield… et les deux frères… et, jadis, mon grand-père d’Asteux…

» Je m’en vais, Raoul. Ne cherchez pas à savoir où je suis. Moi-même je ne sais pas encore. J’ai besoin de réfléchir, d’examiner ma vie, de prendre des décisions.

» Je vous aime, mon ami. Attendez-moi et pardonnez-moi. »

Raoul n’attendit pas. L’égarement de cette lettre, ce qu’il devinait dans Aurélie de souffrance et de détresse, sa souffrance à lui et son inquiétude, tout le portait à l’action et l’incitait aux recherches.

Elles n’aboutirent point. Il pensa qu’elle s’était réfugiée à Sainte-Marie il ne l’y trouva pas. Il s’enquit de tous côtés. Il mobilisa tous ses amis. Efforts inutiles. Désespéré, craignant que quelque adversaire nouveau ne tourmentât la jeune fille, il passa deux mois vraiment douloureux. Puis, un jour, il reçut un télégramme. Elle le priait de venir à Bruxelles le lendemain, et lui fixait rendez-vous au bois de la Cambre.

La joie de Raoul fut sans réserve quand il la vit arriver, souriante, résolue, avec un air de tendresse infini et un visage libéré de tout mauvais souvenir.

Elle lui tendit la main.

— Vous me pardonnez, Raoul ?

Ils marchèrent un moment, aussi près l’un de l’autre que s’ils ne s’étaient jamais quittés. Puis elle s’expliqua :

— Vous me l’avez dit, Raoul, il y a en moi deux destins contraires, qui se heurtent et me font du mal. L’un