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moi ! Vivant, mon vieux Jodot ! Et Aurélie aussi. Elle est bien à l’abri, loin de la grotte, et pas une goutte d’eau sur elle. Donc nous pouvons causer. Du reste ce sera bref. Cinq minutes, pas une seconde de plus. Tu veux bien ?

Jodot se taisait, stupide, effaré. Raoul regarda sa montre, et paisiblement, nonchalamment, comme si son cœur n’avait pas sauté dans sa poitrine étreinte par une angoisse indicible, il reprit :

— Voilà. Ton plan ne tient plus. Dès l’instant où Aurélie n’est pas morte, elle hérite, et il n’y a pas vente. Si tu la tues et qu’il y ait vente, moi, je suis là, et j’achète. Il faudrait me tuer aussi. Pas possible. Invulnérable. Donc tu es coincé. Un seul remède.

Il fit une pause. Jodot se pencha. Il y avait donc un remède ?

— Oui, il y en a un, prononça Raoul, un seul : t’entendre avec moi. Le veux-tu ?

Jodot ne répondit point. Il s’était accroupi à deux pas de Raoul et fixait sur lui des yeux brillants de fièvre.

— Tu ne réponds pas. Mais tes prunelles s’animent. Je les vois qui brillent comme des prunelles de bête fauve. Si je te propose quelque chose, c’est que j’ai besoin de toi ? Pas du tout. Je n’ai jamais besoin de personne. Seulement, depuis quinze ou dix-huit ans, tu poursuis un but que tu es tout près d’atteindre, et cela te donne des droits, des droits que tu es résolu à défendre par tous les moyens, assassinat compris.