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l’eau te glacer, crois en moi aveuglément.

Elle retomba sans forces.

— Va, dit-elle, puisque tu le veux.

— Tu n’auras pas peur ?

— Non, puisque tu ne le veux pas.

Il se débarrassa de son veston, de son gilet et de ses chaussures, jeta un coup d’œil sur le cadran lumineux de sa montre, l’attacha à son cou, et sauta.

Dehors, les ténèbres. Il n’avait aucune arme, aucune indication.

Il était huit heures…


XIII

Dans les ténèbres


La première impression de Raoul fut affreuse. Une nuit sans étoiles, lourde, implacable, faite de brume épaisse, une nuit immobile pesait sur le lac invisible et sur les falaises indistinctes. Ses yeux ne lui servaient pas plus que des yeux d’aveugle. Ses oreilles n’entendaient que le silence. Le bruit des cascades ne résonnait plus : le lac les avait absorbées. Et, dans ce gouffre insondable, il fallait voir, entendre, se diriger, et atteindre le but.

Les vannes ? Pas une seconde il n’y avait songé réellement. C’eût été de la folie de jouer au jeu mortel de les chercher. Non, son objectif, c’était de rejoindre les deux bandits. Or, ils se cachaient. Redoutant sans doute une attaque directe contre un adversaire tel que lui, ils se tenaient prudemment dans l’ombre, armés de fusils et tous leurs sens aux aguets. Où les trouver ?

Sur le rebord supérieur de la plage, l’eau glacée lui recouvrait la