Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.

chasse, coupe et débite ses arbres, surveille les gardiens de ses troupeaux, et nourrit tous les pauvres de ce pays qui lui appartient à deux lieues à la ronde. Et voilà quinze ans qu’il vous attend, Aurélie.

— Ou du moins qu’il attend ma majorité.

— Oui, par suite d’un accord avec son ami d’Asteux. Je l’ai interrogé à ce propos. Mais il ne veut répondre qu’à vous. J’ai dû lui raconter toute votre vie, toutes les histoires de ces derniers mois, et, comme je lui promettais de vous amener, il m’a prêté la clef du domaine. Sa joie de vous revoir est immense.

— Alors, pourquoi n’est-il pas là ?

L’absence du marquis de Talençay surprenait Raoul de plus en plus, bien qu’aucune raison ne lui permît d’y attacher de l’importance. En tout cas, ne voulant point inquiéter la jeune fille, il dépensa toute sa verve et tout son esprit durant ce premier repas qu’ils prenaient ensemble dans des circonstances si curieuses et dans un cadre si particulier.

Toujours attentif à ne pas la froisser par trop de tendresse, il la sentait en pleine sécurité près de lui. Elle devait se rendre compte, elle-même, qu’il n’était plus l’adversaire qu’elle fuyait au début, mais l’ami qui ne vous veut que du bien. Tant de fois déjà, il l’avait sauvée ! Tant de fois elle s’était surprise à n’espérer qu’en lui, à ne voir sa propre vie que dépendante de cet inconnu, et son bonheur que bâti selon la volonté de cet homme !