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les cachaient aux rayons du soleil. Ils s’y engagèrent. Les roches étaient plus noires et plus tristes. Aurélie les contemplait avec stupeur et levait les yeux vers les silhouettes étranges qu’elles formaient : lions accroupis, cheminées massives, statues démesurées, gargouilles géantes.

Et subitement, alors qu’ils arrivaient au milieu de ce couloir fantastique, ils reçurent comme une bouffée de rumeurs lointaines et indistinctes qui venaient, par ce même chemin qu’eux, des régions qu’ils avaient quittées un peu plus d’une heure auparavant.

C’étaient des sonneries d’église, des tintements de cloches légères, des chansons d’airain, des notes allègres et joyeuses, tout un frémissement de musique divine où grondait le bourdon frémissant d’une cathédrale.

La jeune fille défaillit. Elle comprenait, elle aussi, la signification de son trouble. Les voix du passé, de ce passé mystérieux qu’elle avait tout fait pour ne pas oublier, retentissaient en elle et autour d’elle. Cela se heurtait aux remparts où le granit se mêlait à la lave des anciens volcans. Cela sautait d’une roche à l’autre, de statue en gargouille, glissait à la surface dure de l’eau, montait jusqu’à la bande bleue du ciel, retombait comme de la poudre d’écume jusqu’au fond du gouffre, et s’en allait par échos bondissants vers l’autre issue du défilé où étincelait la lumière du grand jour.

Éperdue, palpitante de souvenirs, Aurélie essaya de lutter, et se raidit pour ne pas succomber à tant d’é-