Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ils n’échangèrent pas un mot. Mais Raoul ne cessait de l’apostropher tendrement, en lui-même.

— Hein, on ne me déteste plus, mademoiselle aux yeux verts ? On a oublié l’offense de la première heure ? Et, moi-même, j’ai tant de respect pour vous que je ne veux pas m’en souvenir auprès de vous. Allons, souriez un peu, puisque vous avez maintenant l’habitude de penser à moi comme à votre bon génie. On sourit à son bon génie.

Elle ne souriait pas. Mais il la sentait amicale et toute proche.

L’auto ne roula guère plus d’une heure. Ils contournèrent le puy de Dôme et prirent un chemin assez étroit qui se dirigeait vers le sud, avec des montées en lacets et des descentes au milieu de vallées vertes ou de forêts sombres.

Puis la route se resserra encore, courut au milieu d’une région déserte et sèche et devint abrupte. Elle était pavée d’énormes plaques de lave, inégales et disjointes.

— Une ancienne chaussée romaine, dit Raoul. Il n’est pas un vieux coin de France où l’on ne trouve quelque vestige analogue, quelque voie de César.

Elle ne répondit pas. Voilà que, tout à coup, elle semblait songeuse et distraite.

La vieille chaussée romaine n’était plus guère qu’un sentier de chèvres. L’escalade en fut pénible. Un petit plateau suivit, avec un village presque abandonné, dont Aurélie vit le nom sur un plateau : Juvains. Puis un bois, puis une plaine soudain verdoyante, aimable d’aspect. Puis de