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La réponse était si extraordinaire qu’il ne put s’empêcher de sourire.

— Vous me détestez à ce point ?

— Oui.

— Plus que Marescal ?

— Oui.

— Plus que Guillaume et que l’homme de la villa Faradoni ?

— Oui, oui, oui.

— Ils vous ont fait davantage de mal cependant, et sans moi qui vous ai protégée…

Elle se tut. Elle avait ramassé son chapeau et le gardait contre le bas de sa figure, de manière qu’il ne vît pas ses lèvres. Car toute sa conduite s’expliquait ainsi, Raoul n’en doutait pas. Si elle le détestait, ce n’était pas parce qu’il avait été le témoin de tous les crimes commis et de toutes les hontes, mais parce qu’il l’avait tenue dans ses bras et baisée sur la bouche. Étrange pudeur chez une femme comme elle et qui était si sincère, qui jetait un tel jour sur l’intimité même de son âme et de ses instincts, que Raoul murmura, malgré lui :

— Je vous demande d’oublier.

Et, reculant de quelques pas, pour bien lui montrer qu’elle était libre de partir, il reprit d’un ton de respect involontaire :

— Cette nuit-là fut une nuit d’aberration dont il ne faut pas garder le souvenir, ni vous ni moi. Oubliez la manière dont j’ai agi. Ce n’est d’ailleurs pas pour vous le rappeler que je suis venu, mais pour continuer mon œuvre envers vous. Le hasard m’a mis sur votre chemin et le