Page:Leblanc - La bonne leçon, paru dans Gil Blas, 01-12-1896.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’est pas sa faute. Non, c’est sa nature qui le veut… Alors, peu à peu, je me suis demandé quel mal il y avait à cela. Oui, pourquoi est-ce une honte d’avoir des appétits sensuels et de les satisfaire ? Nous mangeons bien comme les bêtes, nous buvons, nous dormons comme elles… pourquoi ne ferions-nous pas, comme elles, l’amour quand nous en avons envie ? Or, moi, je ne puis assouvir ma femme. Qu’elle cherche donc ailleurs, et je ne la chasserai pas, parce qu’elle obéit au corps que la nature lui a donné.

Il dit d’un ton grave :

— Si je ne l’aime pas, ne croyez pas non plus que je la déteste, non. Elle est si douce, si affectueuse, si pleine de qualités. Elle n’a que cela. Est-ce un défaut ? Je ne sais. Pourquoi ne serait-ce pas une vertu ? Voyons, qui empêcherait qu’on regardât cela comme une vertu, cette énergie du corps, cet inépuisement des sens, cette fougue superbe de la chair que l’âge lui-même ne parvient pas à dompter ? En vérité, monsieur, je ne lui en veux point, je lui pardonne tout, et c’est pourquoi, quand vous m’avez offert ce poste, je l’ai fait passer pour ma servante. Oui, pour ma servante. Vous n’eussiez certes pas accepté l’inconduite d’une épouse, mais d’une servante, j’espérais…