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Il m’entraîna chez le docteur. J’y vis Célina qui étendait du linge dans le jardin. C’était une fille ni jeune ni belle, mais qui provoquait le regard par l’effronterie de ses allures et par l’offre de sa poitrine tendue. Nous pressâmes le pas.

M. Grimard nous reçut lui-même, et tout de suite mon oncle s’étant composé une attitude grave et un visage catégorique, s’expliqua :

— Mon cher docteur, je n’irai pas par quatre chemins, voici la chose : vous ne pouvez ignorer la conduite éhontée de votre servante ; la malheureuse, hélas ! ne se gêne pas pour satisfaire à peu près publiquement ses appétits grossiers, et cela se passe sous vos yeux, sous les yeux du village, sous les yeux des enfants. C’est un exemple qui ne peut manquer de porter ses fruits au milieu des familles les plus unies. Or, je suis, moi, le gardien élu des mœurs de ce pays, et je viens vous prier de faire cesser l’état de choses existant…

M. Grimard, un petit vieux à l’air triste et bon, insinua :

— Pardon, monsieur le maire, mais que dois-je faire ?

— Eh ! parbleu, c’est facile, s’écria mon oncle, renvoyez Célina, ou bien…

— Ou bien ?

D’un ton embarrassé, mon oncle ajouta :

— … ou bien je me verrai obligé de vous retirer le privilège de cette maison… Voyons, docteur, il n’est pas possible que vous hésitiez entre la situation agréable que vous avez ici et… et cette créature…