Page:Leblanc - La bonne leçon, paru dans Gil Blas, 01-12-1896.djvu/2

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA BONNE LEÇON



Cette année-là, mon oncle Anthime n’eut pas, autant que les précédentes, à se réjouir de ma présence auprès de lui. Maire du petit village où ma famille m’envoyait passer les vacances, il faisait en sorte que chaque séjour augmentât, non mes aptitudes physiques ou intellectuelles, mais mes facultés morales, ma sagesse, ma science du bien et du mal, de ce qui est juste et injuste, de ce que l’on doit faire et de ce que l’on ne doit pas faire.

Ainsi toute promenade était un prétexte à dissertations vertueuses. La vue d’un laboureur lui faisait exalter les mœurs patriarcales de la campagne. À la fin des vacances, je m’en allais, saturé de bonnes maximes et d’exemples admirables, et mon oncle ne cachait pas sa joie de m’avoir ouvert un peu plus « les chemins de l’honnêteté et de la droiture ».

Mais, cette fois-ci, je sentis dès le début une certaine timidité dans l’apologie que me fit mon oncle des spectacles fortifiants dont je bénéficierais au cours de l’été. Et il ne me fallut d’ailleurs pas une grande clairvoyance pour connaître les causes de son embarras.