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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

— Mais à mon nom, Mme Armand », répondit Gilberte, sans prévoir aucune des conséquences où l’entraînerait cette décision.

Mme de la Vaudraye hésita.

« Cependant… il nous faudra peut-être… la signature. de monsieur votre mari…

— Je suis veuve.

— Ah ! pardon, j’aurais dû me douter en effet… votre deuil… »

Le soir même, Mme Armand s’installait au Logis.

Elle avait arrêté comme domestique, sur la recommandation expresse de Mme de la Vaudraye, la femme du gardien des ruines, Adèle, grosse commère moustachue, à l’œil sournois et aux manières brusques. Bouquetot, son mari, coucherait au manoir, et leur fils Antoine, qui arrivait du régiment, ferait le gros ouvrage et s’occuperait du jardin.

Et la vie commença, la dure, la cruelle, la désespérante vie de ceux qui n’ont personne à aimer et que n’aime personne au monde.

De consolations pour Gilberte, après la mort de sa mère, il n’en était point. Ce qui la sauva, ce fut la nécessité d’agir, et d’agir continuellement, de prendre des déterminations, de commander, de vouloir enfin.

Elle dut secouer les mauvais plis d’une nature portée au rêve et à la nonchalance, et rompre avec des habitudes de passivité que son genre d’existence avait favorisées jusqu’ici