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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

de Donnadieu, gouverneur de l’Anjou, sur l’emplacement même et avec les matériaux des communs de la vieille forteresse ? Il est charmant et intact, ce Logis, comme on appelle en Basse-Normandie ces sortes de demeures. Quatre tourelles l’encadrent, minces et fluettes. Un toit énorme paré de deux cheminées monumentales semble le coiffer d’un bonnet d’âne, trop vaste pour son petit front de granit ridé de deux rangées de briques. On entre par le square, mais la façade principale domine l’abîme, et, sur la pente abrupte, un jardin dégringole jusqu’à la rivière qui suit le joli val des Rochers.

Quatorze ans auparavant, M. et Mme de la Vaudraye, une des principales familles de l’endroit, s’étaient ruinés dans des spéculations malheureuses. M. de la Vaudraye mourut de chagrin et de honte. Sa femme, pour subvenir à l’éducation d’un fils, âgé de dix ans, mit en location le manoir qu’elle avait apporté en dot à son mari, et qui, depuis près de deux siècles, appartenait à sa famille. Loué d’abord par un officier de la garnison, il se trouvait libre actuellement.

C’est là que Gilberte vint se réfugier comme une pauvre bête blessée. Domfront lui avait plu par son air de petite ville endormie et par cet aspect de cité vaincue, lasse d’un passé valeureux, qui donne à ce sommeil quelque chose de légitime et de respectable. Se promenant dans les ruines, elle vit, au seuil du Logis, l’écriteau « À louer ». Elle fit demander la propriétaire.

Grande, maigre, de regard un peu dur, madame de