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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Si heureuse ! Avec quelle certitude elle affirmait cela ! Heureuse, oui, auprès de son mari, sous ses yeux, la main dans sa main. Mais pourquoi la surprenait-on si souvent en larmes ? pourquoi ces heures de tristesse morne, d’abattement inexplicable ? Pourquoi un jour avait-elle attiré sa fille contre elle en balbutiant : « Ah ! mon enfant, mon enfant, ne fais jamais rien que tu doives cacher, c’est trop douloureux ? »

Gilberte fut sur le point de parler. Un sentiment confus l’en empêcha.

D’ailleurs, Me Dufornéril, qui venait d’inscrire quelques notes sur son portefeuille, reprenait :

« Donnez-moi toutes les indications qui peuvent nous aider, mademoiselle, les moindres détails ont leur importance. »

Elle dit les villes où ils avaient vécu, Vienne, Trieste, Milan, souvenirs de vie solitaire, aisée dans les derniers temps, mais si âpre et si difficile d’abord… et puis, dans le lointain, Barcelone où ils avaient été très malheureux, et puis c’étaient des souvenirs, de plus en plus vagues, de misère, de faim, de froid…

« Nous trouverons, mademoiselle, s’écria le notaire. Certes, la tâche sera difficile, nous nous heurtons à un concours de circonstances anormales, qui, je l’avoue, me déconcertent un peu. Mais enfin, il est impossible que nous ne trouvions pas. Il faut que vous sachiez qui vous êtes et quel nom vous portez. Voulez-vous vous confier à moi ?

— Oui.

— Eh bien, tout d’abord, vous laisserez entre mes mains, contre reçu, ce paquet de titres. J’en détache-