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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

À la porte, elle écouta. Aucun bruit. Elle pouffa de rire à l’idée de la gaminerie qu’elle avait projetée. Puis lentement, avec précaution, elle ouvrit la porte. Mme Armand s’était étendue sur son lit. Gilberte s’approcha d’elle, Par quelle raison obscure ne songea-t-elle plus à sa plaisanterie ? Elle l’embrassa simplement, au front.

Un cri lui échappa. Épouvantée, elle s’abattit sur sa mère, lui prit les mains, l’entoura désespérément de ses deux bras, et tomba inanimée près du lit.

Mme Armand était morte.

Une chambre où elle sanglote pendant des heures, sans penser à rien, prostrée sur une petite chaise, ou à genoux devant un lit fermé de rideaux blancs, des gens qui vont et viennent, un médecin qui constate la mort — rupture d’anévrisme, sans doute — la dame de l’hôtel qui cherche à la consoler, un commissaire de police qui lui pose des questions auxquelles il lui est impossible de répondre et qui l’oblige à chercher dans les malles de sa mère des papiers qu’on ne trouve pas… Voilà tous les souvenirs que Gilberte a gardés de ces deux jours horribles.

Puis ce sont des chants d’église, une longue route parmi des arbres que le vent effeuille, puis des tombes, des croix, et l’adieu définitif et irrévocable à celle qui fut jusqu’ici toute sa vie, toute son âme, toute sa clarté…

Oh ! la première nuit de solitude, et ces premiers