Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

terre, et d’Allemagne, et de Russie, et venant en France, et bien contentes d’y venir, Mlle Armand surtout, qui ne connaît pas son pays.

— Y trouveras-tu le bonheur ? murmura tristement la mère, en attirant sa fille contre elle. Il n’en est plus pour moi, depuis que ton pauvre père n’est plus ; mais, toi, ma douce Gilberte, toi si bonne et si affectueuse, qu’est-ce que l’avenir te réserve ?

— Mais des joies, mère chérie, rien que de grandes joies, puisque tu seras là. »

Elles se tinrent longtemps embrassées, puis Mme Armand reprit :

« Écoute, Gilberte, la traversée de cette nuit m’a beaucoup éprouvée, j’ai besoin de repos. Va t’asseoir sur la terrasse de l’hôtel, tu reviendras dans une heure, nous déferons nos malles, et nous irons jusqu’à la poste.

— Tu attends une lettre ?

— Oui.

— De qui ?

— Comme tu es curieuse !

— Oh ! maman, que de fois tu m’as dit cela ! Mais en es-tu bien sûre ? Ne penses-tu pas plutôt que c’est toi qui es un peu… Comment dirais-je… un peu mystérieuse ? tu ne réponds jamais à mes questions, si simples qu’elles soient.

— J’y répondrai un jour, mon enfant, mais le plus tard possible… le plus tard possible. »

Gilberte vit sur le visage de sa mère une telle expression d’angoisse qu’elle se tut et lui baisa la main avec tendresse. Mme Armand reprit :