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LA LETTRE ANONYME

écoute celui dont les moindres mots vous captivent et dont la voix vous émeut. Mais, cependant, il n’admettait pas qu’elle pût l’aimer. Cet amour n’entrait pas en lui comme une réalité possible. Et, sans confiance, sans abandon, rongé de jalousie, âpre et soupçonneux, il entretenait sa douleur comme une flamme à laquelle chaque pensée, chaque rêve, chaque méditation jetait un aliment nouveau.

Ce n’était pas supportable. Il voulait savoir. Qu’y avait-il au fond de ses yeux purs ? Qu’y avait-il au fond de cette âme inexplicable, dont il pressentait, à de certaines minutes, sans motifs suffisant, mais d’une façon irrécusable, la duplicité et la perfidie ?

« Une âme de courtisane, » se disait-il.

Et le besoin de la certitude montait en lui, violent, effréné. Le doute l’obsédait, plus cruel que la vérité la plus abominable. Après des mois et des mois de souffrance, après des semaines d’hésitation, il se décidait tout à coup à écrire cette lettre anonyme. Si Marceline était telle qu’il la supposait, si, comme il en avait l’intuition, elle écoutait l’hommage plus ou moins insolent des hommes qu’attirait sa beauté, elle viendrait au rendez-vous.

Vivement il sortit, se promena au hasard des rues et, soudain, traversant un quartier de la rive gauche, jeta l’enveloppe dans une boîte.

Le soir et le lendemain, prétextant une indisposition, il s’enferma chez lui. Il avait honte de reparaître devant sa femme.

Après le déjeuner, il l’épia. Il entendit qu’elle mon-