Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
L’ÉCOLE DU MENSONGE

et lui plaire sans restriction, plus qu’il n’eût osé l’espérer jamais. Œuvre facile ; elle n’avait qu’à devenir, même pas, à paraître devenir celle qu’il souhaitait qu’elle fût.

Rigoureusement, fatalement, elle le devint… sur son Journal. Quand elle savait que les idées un peu émancipées de son amie Clotilde exaspéraient Ludovic, pouvait-elle faire moins, quoique les partageant, que d’écrire : « En somme les idées de Clotilde sont bien choquantes, je commence à en revenir » ? En face de son mari, elle les eût bravement défendues, mais là, sur cette page blanche…

Et Ludovic semblait si touché des concessions qu’elle lui faisait ! N’était-il point tentant d’en faire d’autres, ou bien de s’accorder, toujours pour lui plaire, telle qualité dont il déplorait l’absence ? Ainsi, il la désirait moins originale dans ses toilettes. Quoi de plus simple ? Elle écrivait : « Il avait raison, je suis un peu excentrique. Je vais réformer cela… »

Bien entendu, elle ne réformait rien, mais Ludovic, le croyant, jugeait sa mise plus réservée, et s’en applaudissait.

Et tout doucement, le plus innocemment du monde, il advint qu’elle composa pour son cher mari une Diane absolument factice, parée de vertus qu’elle savait ne pas avoir et allégée de tous les travers qu’elle se connaissait. Pas une seconde elle ne se douta du petit travail de réfection auquel elle s’abandonnait. C’était une suite de menus mensonges, tous accomplis par amour et pour le plus grand bien de Ludovic.