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NOËL TRAGIQUE

Et sa sœur pensait à Bernard, plus adroit, plus souple.

Et elles sentaient sourdre en elles, et grandir, une haine effrayante, une haine monstrueuse, qui déjà les jetait l’une contre l’autre, comme si elles se haïssaient depuis les premières années de leur enfance. Et elles savaient que, quoi qu’il arrivât, elles ne pourraient plus jamais vivre un seul jour ensemble, plus jamais un seul jour. Aucune parole ne fut échangée. Livides, tremblantes, elles écoutaient.

Du bruit encore, dans le parc.

Chacune se dit, avec une volonté sauvage :

« Le voilà… c’est lui… c’est mon fils… il descend de cheval… il entre. »

En bas, dans le vestibule, un grand cri :

« Maman ! maman ! »

Toutes deux se levèrent. Mme de Revez elle-même oubliait les douleurs qui la tordaient.

« Maman ! maman ! »

Elles ne reconnaissaient pas la voix. Était-ce Paul ? Bernard ? Oh ! la torture infernale !

Les pas approchèrent. La poignée de la porte tourna. Quelqu’un surgit, Paul de Revez.

« Toi ! toi ! Paul ! cria Mme de Revez triomphante, tandis que sa sœur se cachait la tête dans ses mains… Toi !… Paul !… tu es vivant ! toi, Paul ! »

Son fils accourait. Elle marcha vers lui, retrouvant, par miracle, ses forces perdues. Mais, tout à coup, elle porta la main à son cœur, chancela, tournoya sur elle-même et, sans un mot, sans une plainte, tomba tout de son long.