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NOËL TRAGIQUE

des cas, cités dans les livres, où des accidents s’étaient produits dont on avait été prévenu par un contrecoup, par une sorte d’évocation simultanée de la catastrophe. Et il leur semblait qu’elles éprouvaient ce choc terrifiant de la réalité.

« La demie, balbutia Mme de Revez. Il est hors de doute qu’il s’est passé quelque chose. Si l’on envoyait au-devant d’eux ? Le jardinier a une bicyclette.

— Évidemment. Mais qui nous assure qu’ils vont revenir par la route directe ? Ils prennent souvent l’une des deux autres, qui sont moins rudes. »

Elles se turent, et, dans le silence, le bruit de l’horloge devenait effrayant. Elles voyaient le mouvement de la grande aiguille. Elles n’auraient jamais cru que ce mouvement pût être visible à un tel point.

Mme de Revez essaya de rire.

« Nous sommes folles de nous alarmer, pour quelques minutes…

— Écoute ! »

Mme Aubain s’était soulevée sur son fauteuil.

« Quoi ! Qu’y a-t-il ? gémit Mme de Revez, en essayant de se dresser.

— Rien… rien… j’avais cru… »

Elles retombèrent toutes les deux, mais, l’oreille tendue, les nerfs exaspérés, elles écoutaient les chuchotements et les murmures de la nuit.

« Les domestiques sont couchés, n’est-ce pas ? dit Mme Aubain.