Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
NOËL TRAGIQUE

Une heure sonna.

« Encore vingt-cinq ou trente minutes, dit Madeleine Aubain, et tu verras que ton appréhension n’était pas justifiée. »

Pour se distraire, elles reprirent, une à une, toutes les nuits de Noël dont elles se souvenaient : Noëls d’enfants où elles tâchaient de ne point dormir pour écouter les bruits étranges de la cheminée ; Noëls de jeunes filles où elles rêvaient d’amour ; Noëls d’épouses où l’on soupait si joyeusement ; Noëls de veuves ; Noëls de mères. Mais tous ces souvenirs les attristaient plutôt, comme tous les souvenirs dont la gaieté décline avec l’ardeur décroissante de la vie. Et leurs yeux ne quittaient pas les aiguilles du vieux cartel qui surmontait la cheminée.

« Nous avançons de cinq minutes au moins, dit à Mme de Revez.

— Au moins, répliqua sa sœur. En outre, ils connaissent du monde là-bas.

— Oui, mais ils nous ont promis.

— Ce que promettent les jeunes gens ! Tu comprends bien que Paul et Bernard ne songent même plus que nous pouvons être inquiètes.

— Ah ! tu vois, tu es inquiète ! s’écria Mme de Revez… j’en étais sûre…

— Pas du tout… seulement… malgré soi, on pense à des choses.

— Quelles choses ? mais parle donc ! un accident, n’est-ce pas ? »

Mme Aubain n’eut point la force de protester. Des visions sinistres les obsédèrent. Elles se rappelaient