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NOËL TRAGIQUE

« Voyons, Madeleine, tu ne trouves pas cela absurde ? Tu connais ton fils, tu connais Paul… deux casse-cou de la pire espèce. La route est mauvaise. En pleine nuit, c’est de la folie !

— Ah ! que veux-tu, ma pauvre Jeanne, nos fils ont vingt-cinq ans. Nous les avons habitués à faire leurs trente-six volontés. Moi, j’ai renoncé à la lutte. »

Mme de Revez soupira.

« Allons, qu’ils agissent à leur guise. Mais surtout, Paul, je compte sur toi. À une heure vingt, une heure vingt-cinq au plus tard, vous serez là. Tenez. nous vous attendrons jusqu’à une heure et demie. »

Paul jura tout ce qu’on voulut. Bernard souscrivit à tous les serments qu’on exigea de lui. Chacun d’eux prit sa mère par le cou et l’embrassa tendrement. Et ils sortirent en hâte.

Dix minutes après, on entendait le grondement de l’automobile.

Mme de Revez et Mme Aubain demeurèrent seules dans le vaste salon du château, au coin du feu qui flambait à hautes flammes. Les deux sœurs se ressemblaient, avec leurs cheveux gris disposés de la même façon, leurs visages un peu maigres et leurs toilettes noires de coupe analogue. Mais l’une d’elles, Jeanne de Revez, avait un air plus douloureux et des yeux plus las. Depuis quelques années, elle souffrait de rhumatismes articulaires si aigus qu’elle ne pouvait bouger de son fauteuil sans le secours d’une femme de chambre.

Elle se plaignit un moment, et sa sœur, qui juste-