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UN AMOUR

n’était pas admissible qu’il pût jouer un rôle. Et puis, pourquoi l’eût-il joué ? On savait sa nature généreuse. On se rappelait avec quelle tendresse il parlait de sa femme et de sa fille, avec quel orgueil il faisait voir leurs deux portraits. Ce sont là de ces sentiments qui ne s’éteignent pas d’un coup. Ils se ravivent plutôt au choc du malheur. Et quel malheur plus grand, plus horrible que cette catastrophe, apprise ainsi, de loin, par le hasard d’un journal qu’on achète en passant !

Des heures et des heures s’écoulèrent. On approchait, Bientôt on distingua les côtes de France. Marseille apparut à l’horizon, se précisa. Durant toutes ces heures émouvantes de l’arrivée, Jacques demeura invisible.

Les hommes de bord montèrent ses bagages et l’on sut par eux qu’il était étendu sur sa couchette, le dos tourné, et qu’il ne bougeait pas.

On entra dans le port, on longea les quais. À terre, des mouchoirs s’agitaient, des femmes et des enfants faisaient des signaux de joie.

Pourtant, ceux des passagers qui, au cours du voyage, s’étaient le plus liés avec Jacques, attendaient, malgré eux, qu’il sortit de sa cabine. Il y eut même un moment de crainte, comme si l’on redoutait que, à cette minute si cruelle, il ne prît quelque résolution désespérée. Et l’un d’eux descendit, envoyé par les autres.

« Vous venez, Dufriche ?

— Voilà, » fit Jacques.

Sur le pont, il accepta le bras de son compagnon, et