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UN AMOUR

Elle terminait ainsi :

« J’irai au-devant de toi jusqu’à Marseille, mon Jacques bien-aimé, et tu me retrouveras telle que tu m’as quittée, pas trop vieillie, je crois, mais en tout cas plus aimante encore. Je n’ai d’autre bonheur que ton amour et d’autre but que de te rendre heureux. T’en faut-il une petite preuve ? Oh ! si petite ! J’ai immédiatement, au reçu de ta dernière lettre, fermé la porte à notre cousin Georges de Brocourt. Tu avais raison, et ton avertissement m’a ouvert les yeux : ses visites devenaient un peu trop fréquentes. Que veux-tu, mon chéri, il me semble toujours qu’une femme qui aime son mari est protégée contre ces attaques sournoises. Je me trompais. J’ai pris vis-à-vis de Georges un prétexte quelconque, et j’ai refusé cette excursion en automobile que je devais faire dimanche avec lui et Henriette jusqu’au château de Rambouillet… »

Jacques sentit que ses yeux se mouillaient de larmes. La tendresse ingénue, si simple et si grave de Gilberte, l’avait toujours empli d’émotion. Elle lui inspirait plus que de la confiance, du respect, cette sorte de culte que l’on accorde à certains êtres plus purs et plus nobles.

Insouciant, allègre, il se promena dans Gibraltar, flâna parmi les cactus et les aloès de l’Alameda, parmi les Jardins de South-Town, et, quand l’heure du départ approcha, il redescendit la longue rue bordée de boutiques.

À l’un des étalages il aperçut des journaux étrangers et des magazines. Il acheta un journal français qu’il déplia et parcourut tout en marchant.