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LA BELLE MADAME DE GIMEUSE

les drogues des charlatans, et l’on n’est plus qu’un mannequin fardé et plâtré, et l’on ment, et chaque jour il faut mentir davantage… Ah ! non, non, j’en avais assez ! »

Il y eut entre eux un long silence. Villeneuve reprit :

« Vous n’avez jamais aimé ?

— Je n’ai pas eu le temps. D’ailleurs, je n’attirais pas l’amour.

— Ce qui attire l’amour, dit-il, c’est moins la beauté que le charme.

— Un charme que je n’avais pas ?

— Si, mais que votre beauté cachait. J’en ai eu l’impression un soir que je causais avec vous à l’Opéra. La beauté finit par être un masque derrière lequel se dissimulent bien des beautés qui sont meilleures et plus captivantes. Ces beautés-là s’aperçoivent aujourd’hui en vous. Elles reprennent leur place naturelle. »

Il ajouta, la voix basse :

« Et c’est un spectacle très émouvant. »

Elle leva les yeux sur lui. Le regard qu’ils échangèrent fut amical. Ils se sentirent pleins de bonne foi l’un envers l’autre, et Diane parla encore, révélant des coins de son âme qu’elle découvrait elle-même avec un certain étonnement. À son tour, Villeneuve lui dit sa vie, ses déboires, la vanité de l’ambition et des succès.

« Mais vous avez aimé ? demanda-t-elle.

— Vingt fois, c’est-à-dire jamais, puisque l’amour véritable ne finit pas. »