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LES ÉPINGLES D’OR

ils n’ont plus de regards que pour toi… Tes pauvres yeux si doux !… Pourquoi les ai-je tués ?… Quelle folie monstrueuse !… Pardonne-moi… je ne t’aimerai jamais assez… »

Il l’embrassa au front avec une grande tendresse et lui dit :

« Ton amour m’a consolé de tout. Ne pleure plus. »

Mais les larmes l’étouffaient, et elle sortit du salon en chancelant.

Un long silence nous unit, Bertrand et moi. À mon tour, j’avais pris sa main. Je tremblais de compassion, de colère aussi contre cette femme. Je murmurai :

« C’est horrible. »

Ses doigts se crispèrent. Sa tête s’inclina.

« Il y a quelque chose de plus horrible encore, prononça-t-il.

— Que veux-tu dire ?

— Eh bien, je n’aimais pas l’amie de Nanthilde, et elle ne m’aimait pas.

— Soit, cependant, la jalousie de ta femme…

— Jalousie absurde, maladive, sans la moindre raison.

— Mais elle a vu…

— Elle a mal vu. Écoute. Ne pouvant dormir ce soir-là, j’avais été lire dans la bibliothèque. Or, rappelle-toi, cette pièce est voisine de la chambre que tu occupes, et que l’amie de Nanthilde habitait, et les deux portes sont absolument contiguës, n’est-ce pas ? Nanthilde s’est trompée.