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LES ÉPINGLES D’OR

turel d’abandon et d’épanchement ? Ce fut elle qui parla.

Et elle parla devant lui, et de façon si imprévue ! Un soir orageux et las, un soir où nous écoutions, dans la lourde paix de la salle, les bruits du dehors, elle se tourna soudain de mon côté et me dit, oh ! de quelle voix ! et avec quelle morne expression de physionomie

« Vous savez, c’est moi.

— C’est vous qui ?… »

Du doigt elle désigna les yeux de Bertrand. Je tressaillis. Non, il n’était pas croyable… je ne comprenais pas je ne voulais pas comprendre. Bertrand murmura :

« Oui, c’est elle. »

Nanthilde lui prit la main et la baisa : signe de remords ? de pitié ? Elle dit, s’adressant plutôt à lui, comme si elle lui racontait une fois de plus l’histoire lamentable dont ils avaient dû si souvent s’entretenir.

« Je l’aimais trop. J’ai été folle. Et je l’aime encore ainsi. Mon pauvre Bertrand ! Ah ! quand j’ai eu un premier doute sur son amour ! Mais était-ce bien possible ? Lui, ne plus m’aimer, et au bout de si peu de temps, alors qu’il m’affirmait sa passion comme au premier jour, et par mille serments, par mille preuves ! Il n’a pas su ce qu’il faisait, j’en suis sûre. C’est cette femme qui l’a entraîné. Il était si enfant, si naïf ! C’est elle, voyez-vous. »