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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

l’opinion, ton effroi des méchancetés, ton souci de ne pas encourir de blâme, et, en parlant, regarde au fond de ces yeux d’enfant, et demande-toi s’ils comprennent tes paroles ? »

Elle objecta faiblement :

« Quel étrange désir, Guillaume ! Il y a autre chose que tu ne dis pas.

— Oui, s’écria-t-il, en se levant, oui, il y a autre chose que je ne vois pas clairement… c’est mon amour qui proteste… je ne voudrais pas soulever le voile qui enveloppe Gilberte… je l’aime mieux ainsi… elle est plus à moi… »

Il allait et venait avec agitation. Gilberte lui tendit les bras.

Il se précipita à ses genoux.

« Ma Gilberte, je vous en supplie, restez pour moi l’inconnue que j’ai aimée du premier jour. J’ignore quel sentiment me pousse à vous faire cette prière, mais accordez-moi la joie infinie de n’être que par moi, de ne commencer votre vie qu’à moi, d’accumuler plus d’ombre encore sur votre passé pour que votre regard soit obligé de se tourner plus encore vers l’avenir. Soyez l’inconnue du Logis. Soyez l’inconnue qui confondait ses rêves avec les miens, l’inconnue qui venait je ne sais d’où, mais qui venait vers moi, j’en suis sûr. »

Elle l’écoutait avidement.

Il balbutia, éperdu :

« Ah ! vous voulez bien… je le sens… Pourtant, Gilberte, écoutez… ce secret est le vôtre… vous avez le droit de savoir, vous… »