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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

geonnier, et, à chaque station, elle l’interrogeait de ses yeux avides.

À la fin, Gilberte lassée, et pour qui la maison abandonnée avait perdu peu à peu de son charme mystérieux depuis l’irruption de cette femme, pensa au départ.

Aussitôt, la vieille, prévenant son désir, tira une clef de sa poche, et ouvrit la grille rouillée. Au moment où Gilberte sortit, elle se pencha et embrassa le bas de sa robe.

S’étant retournée quelques minutes après, la jeune fille la vit encore, plantée sur le milieu du chemin et lui faisant des signes.

Au Logis, elle raconta l’aventure à Adèle qui s’écria :

« Ah ! mais ça ne peut être que Désirée, l’ancienne nourrice des Despriol, une pauvre folle bien inoffensive qui vit du côté de Notre-Dame-sur-l’Eau. Elle est toujours à rôder autour de son ancienne maison. Voilà bien deux ans qu’elle est folle, depuis la mort de son mari et de ses trois fils. Ça l’a frappée d’un transport…

— Mais, demanda Gilberte, les Despriol avaient donc un enfant ?

— Comment ! une petite fille qui avait peut-être trois ou quatre ans quand ils sont partis, un amour de petite fille que sa nourrice adorait. Ça lui a fait un chagrin à la pauvre femme ! Depuis qu’elle est folle, elle pense même bien plus à la petite qu’à ses trois fils. On disait dans le temps qu’elle en recevait des nouvelles, et que Mme Despriol lui écrivait.