Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Un bruit léger s’éleva derrière Gilberte. Elle se retourna. Une femme était là, d’aspect sordide, avec des yeux étrangement fixes et de grandes mèches blanches autour de la tête. Un rire immobile et silencieux découvrait ses dents. Sur le chiffon de toile qui lui servait de fichu, pendait un collier bizarre, fait d’éclats de verre, de cailloux, de bouchons, de tortillons d’herbe.

Soudain une expression de colère contracta sa figure, elle avait aperçu la poupée. Elle courut à Gilberte, la lui arracha des mains et la brandit comme si elle eût voulu en frapper la jeune fille.

Mais la poupée tomba à terre, la menace s’acheva en un geste d’hésitation, et la vieille femme, le corps tendu en avant, les yeux agrandis, regardait Gilberte, la regardait indéfiniment.

Gilberte, effrayée d’abord, se rassurait peu à peu sous ce regard où elle s’imaginait sentir une sympathie ardente et curieuse. Elle lui sourit.

La vieille se mit à rire silencieusement, ramassa la poupée et la lui présenta d’un mouvement humble et doux.

Gilberte ayant refusé, elle lui serra la main et la conduisit au second étage, vers un placard où se trouvaient entassés des souliers d’enfant, des hochets, des joujoux brisés, un petit berceau, une chaise à roulettes, et elle les lui montrait en ayant l’air de dire :

« Choisis, prends, je te donne tout cela. »

Mais aucune de ces choses ne tentait Gilberte. Alors elle la mena dans le jardin, sous un acacia, puis devant un banc de bois, puis auprès des débris d’un pi-