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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Son but presque quotidien fut la petite chapelle de Notre-Dame-sur-l’Eau. C’est là qu’elle avait eu avec Guillaume sa dernière entrevue. L’endroit est paisible. Elle se plaisait à y rêver.

Un jour, comme elle en revenait par un détour, elle passa devant la maison où jadis habitaient ces Despriol qui avaient causé la ruine de M. et Mme de la Vaudraye. Les barreaux rouillés de la grille paraissaient sur le point de s’émietter. Un fouillis de ronces et de mauvaises herbes s’épanouissait dans le jardin. La façade se lézardait, les ardoises du toit verdissaient, des nids d’hirondelles ornaient les fenêtres. Tout indiquait l’abandon. Cependant Gilberte se sentit attirée.

La grille résistant à ses efforts, elle contourna les murs extérieurs, avec la certitude de trouver une porte auprès de tel angle dont elle avisait la saillie. De fait, elle l’y trouva et cette porte était ouverte, de même que celle du perron.

Dès l’entrée, l’impression que la vieille demeure lui avait causée, se précisa jusqu’à devenir consciente. C’était cette impression singulière que nous éprouvons parfois devant des spectacles que nous sommes sûrs de n’avoir jamais contemplés et qu’il nous semble cependant avoir toujours connus. Il est impossible que nous ayons visité telle ville et, néanmoins, cette rue que nous parcourons nous est familière, nous avons vu ce magasin, cette enseigne, ce pignon, ce carrefour. Où et quand ? Dans quelque vie antérieure ? Ou bien n’est-ce qu’une illusion éveillée dans notre cerveau par une série d’images analogues ?