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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Pourquoi également ses élans d’amitié vers l’inconnu ?

Ce qu’on disait en ville de tous ces événements, Gilberte ne s’en souciait guère, ayant prié Adèle de ne l’en point informer — consigne que l’infortunée servante avait bien de la peine à ne pas enfreindre ! C’était, à Domfront, une telle effervescence, un tel bouillonnement de commentaires ! Car enfin, il y avait ce fait indéniable : au vu et au su de toute la ville — qui n’en pouvait témoigner ? — la demande en mariage avait été effectuée, et il en était résulté. une rupture entre les la Vaudraye et Mme Armand. Rupture complète ! on ne se voyait même pas. Et l’inexplicable, c’est que, depuis cet après-midi fameux, Mme Armand ne quittait plus le Logis !

Qu’y avait-il là-dessous ? De qui provenait la rupture ? Vingt versions contradictoires circulaient, mais aucune d’elles ne présentait ces caractères d’authenticité indiscutable que le monde, toujours si scrupuleux, réclame d’un potin avant de l’admettre.

La chaisière était aux abois. Pressée de questions, elle devait avouer, non sans dépit, qu’elle ne savait rien.

Au bout de deux semaines, Gilberte, qui n’osait se promener dans son jardin, tenta quelques sorties, mais à des heures et dans des directions où elle ne risquait pas d’être rencontrée. Dès le matin, généralement, elle s’échappait par une porte latérale du Logis, et choisissant les sentiers les plus touffus du bois qui l’avoisine, descendait en biais jusqu’à la rivière.