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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

— Voyons, mon enfant, cela ne suffit pas. Vous avez un nom de famille ?…

— Ma foi.

— Comment s’appelait votre père ? votre mère ?…

— Je ne sais pas. »

Mme de la Vaudraye se dressa de toute sa taille anguleuse. On eût dit qu’elle apprenait un événement terrible, une catastrophe. Gïilberte vit la pâleur de Guillaume et comprit tout à coup ce qu’elle n’avait jamais entrevu, le danger de sa situation irrégulière vis-à-vis d’une femme comme Mme de la Vaudraye. Elle frémit de peur.

Guillaume s’interposa doucement :

« Remettez-vous, Gilberte. Inutile de vous dire combien j’attache peu d’importance à tout cela, mais mère ne juge pas les choses au même point de vue que moi. Confiez-nous la vérité. »

Sans entrer dans les détails, Gilberte raconta la mort de sa mère, la perte des papiers de famille, et par quel concours de circonstances elle n’avait jamais pu pénétrer le mystère qui l’enveloppait. À mesure qu’elle avançait, sa voix perdait son assurance. Toute cette histoire qu’elle avait jusqu’ici considérée simplement comme une source de petits ennuis, lui paraissait maintenant, sous l’œil austère de Mme de la Vaudraye, l’histoire abominable d’une méchante fille. Ne pas avoir de nom ! Elle en était aussi honteuse que si l’on eût découvert inopinément qu’il lui manquait une oreille ou un morceau de joue. Pourtant, dans le silence qui suivit son aveu, elle cherchait vainement en quoi elle était coupable.