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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Guillaume se leva et se dirigea vers la fenêtre ouverte, comme excédé d’avance de tout ce qui allait être dit. Gilberte avait bien envie de le rejoindre et de laisser Mme de la Vaudraye traiter à fond avec elle-même de ces réalités matérielles sur lesquelles repose le bonheur des ménages. Mais l’œil impérieux de la dame la clouait à sa chaise, et, tout en hochant la tête de temps à autre, en signe d’approbation, elle dut subir un long discours où revenaient des expressions bizarres, comme apport dotal, régime des acquêts, communauté des biens…

« C’est entendu, conclut-elle d’un air réfléchi, quoiqu’elle n’eût pas compris un traître mot.

— Nous sommes d’accord ?

— Entièrement d’accord, madame.

— Eh bien, mes enfants, embrassez-vous, je vous donne ma bénédiction. »

Guillaume s’avança, et ses bras tendus se refermèrent sur Gilberte. Il lui baisa le front, puis les yeux. Elle se dégagea toute rougissante, et dit :

« C’est mon premier baiser, Guillaume, »

Il eut un peu d’amertume.

« Le premier… de moi. »

Elle sourit.

« Une jeune fille n’en doit recevoir que de son fiancé, et n’êtes-vous pas mon premier, mon seul fiancé ?

— Que voulez-vous dire, Gilberte ?

— Je veux dire, Guillaume, répondit-elle avec un accent où palpitait toute son allégresse intérieure, je veux dire que je ne suis pas veuve, que je n’ai jamais