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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

en eux, puis ils suivirent en silence le chemin qui longe la Varenne. Ils n’osaient parler, tellement ils sentaient l’importance des paroles qu’ils allaient prononcer. D’ailleurs émotion leur serrait la gorge.

Ils arrivèrent ainsi jusqu’à Notre-Dame-sur-l’Eau, la vieille chapelle romane si joliment située au bord de la rivière. Accoudés à la balustrade, au-dessus de l’eau fuyante que divise l’arche du pont, ils goûtèrent la joie de rêver l’un près de l’autre. Puis Guillaume dit :

« Je souffrais trop… j’ai voulu vous voir, ne fût-ce que quelques minutes… et reprendre courage… »

Elle demanda d’une voix altérée :

« Alors… vous repartez…

— J’en avais l’intention… mais je ne peux plus… je ne peux plus… »

Il continua, très bas :

« Ce n’est pas de la faiblesse. Mais je vous vois, et vous voir, c’est voir les choses et les idées sous leur véritable aspect. Vous les inondez de la lumière qui est en vous et qui jaillit de vous. Oui, j’ai voulu échapper à la tentation, et j’ai eu l’ambition de travailler dans la solitude, pour conquérir la richesse et la gloire qui m’auraient permis de vous épouser. Et puis… et puis… je comprends que c’est de la folie. Pourquoi souffrir inutilement ? Luttons ensemble, Gilberte. Je ne puis rien sans vous… je vous aime trop.

— Et vos scrupules ? dit-elle malicieusement.

— Riche ou pauvre, qu’importe ? Ce sont là des mots auxquels j’ai pu attacher quelque valeur loin de vous, en vous écrivant. Mais auprès de vous, il me