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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

— Mais on les a poursuivis ?

— La justice a été saisie, mais les recherches furent vaines. Il y a cinq ans, j’ai reçu de l’étranger une lettre d’Henriette ainsi conçue : « Les dix mille francs que mon mari vous a envoyés ce matin représentent la valeur des bijoux. C’est le premier argent que nous avons pu mettre de côté. J’aspire au moment où il nous sera possible de nous acquitter entièrement envers vous, et où j’aurai le droit d’implorer votre pardon pour tout le mal que nous vous avons fait. Jusque là, il n’y aura pas de repos pour votre amie repentante. »

— Et depuis ?

— Depuis, j’ai reçu, il y a quelques mois, une autre lettre où elle m’apprenait la mort de son mari, et son arrivée avec tout l’argent qu’elle me devait.

— Eh bien ?

— Des mensonges ! Personne n’est venu. Est-ce que des gens comme ça reviennent et rendent ce qu’ils ont volé ! Non, c’étaient deux filous. Parlez donc à Domfront de M. et Mme Despriol, ils en ont laissé une jolie réputation ! Si l’un d’eux s’avisait de revenir, il y serait lapidé ! Henriette ! mais je lui cracherais au visage, moi ! une voleuse, une hypocrite… »

Elle avait dit ces mots avec un accent de haine implacable où l’on sentait la rancœur de ces quinze années de détresse et de privations. Gilberte frissonna. L’expression mauvaise de cette physionomie lui inspirait une sorte de répugnance. Cependant elle lui prit la main et la porta à ses lèvres, en murmurant :

« Pauvre madame. »